Je ne sais pas trop si c’est le fait qu’un ami veuille vraiment et insistement m’acheter un chat en cadeau ou celui qu’une autre me parlait de l’adaptation du nouveau chat familial à son appartement qui m’a autant remis en pensée le chatdemarde. Mais il est là. Dans ma tête.
Je m’ennuie de lui. Pis ça m’étonne. Ça m’étonne en ta’. Parce qu’il n’était pas une affaire dont tu peux t’ennuyer. On l’a eu pendant 12 ans pis y’a pas une journée où je ne me suis pas dit : on le tue-tu? Intense de même.
En plus, fondamentalement, deep down mon être, j’haïs ça, les chats. D’aussi loin que je me souvienne. Chu plus du type chien. Ça ne m’est donc pas tant clair pour de kessé quand le père des p’tits a dit « ce s’rait l’fun avoir un chat, hein? », j’ai pas dit non. Me semble qu’on a eu la discussion sur le porche de la maison de ses parents. On avait 18 ans. J’ai même dit « Ouin, mais faut qu’y soit affectueux, pas indépendant, présent. ». Il a hoché de la tête vivement pour acquiescer. Ça devait être l’enthousiasme débordant de la jeunesse qui nous habitait. De l’optimisme. Je sais pas. On avait même hâte. On se voyait avec un chat à aimer. [auto-yeux en l’air]
Y’a eu le hasard de la vie qui a fait en sorte que je croise une amie, à la cafétéria du cégep, amie qui m’a demandé : « Connnais-tu kekun qui veut un chat? On donne un de nos chats. ». J’aurais dû me douter de quelque chose quand elle m’a précisé qu’ils le donnaient parce qu’il était « un peu dérangeant », qu’il demandait « un peu d’attention », qu’il avait genre eu deux familles avant la sienne et que chacune de ces familles l’avait sauvé d’une mort bien voulue par la famille précédente. Non, j’ai juste retenu qu’il était affectueux et présent. Et spécial. Parce que chat de race. J’y ai dit ok. J’ai aussi omis, dans mon calcul, le fait que je sois vraiment allergique aux chats. Pis on est allé le chercher. Me souviens. Y’avait une affaire qui dormait sul divan. Elle a pris l’affaire, me l’a mis dans les bras pis c’tait ça. Chatdemarde venait d’arriver dans notre vie. Pis à le regarder, j’tais comme moins certaine que c’tait une bonne idée. Si t’as jamais vu de Rex Cornish de ta vie, et c’était mon cas, tu peux douter que « chat » est la catégorie d’être dans laquelle y fit.
Y s’appelait Momo. On l’a rebaptisé Basile parce que notre film préféré, qu’on écoutait en boucle sul VHS, était Austin Powers. 2. Mais chatedmarde, estidechat et fucker ont aussi fait la job nominale.
Il a passé les deux premières semaines avec nous à errer et à miauler. Sans arrêt. Ça a donné le ton. Mais on ne savait pas, on pensait que ça passerait. Qu’il s’adapterait. Nenon.
Y réagissait pas bien au changement. Jamais. Si y’avait une affaire nouvelle dans l’appartement, il la regardait avec méfiance, allait nécessairement y crisser deux-trois coups de pattes. La pétait. En-nous-regardant. Si on changeait un meuble de place, l’anxiété le pognait pis il courrait dans toué sens.
On nous avait dit qu’il mangeait n’importe quoi. Naon. Faux. Les croquettes d’épicerie pas cher, ça ne lui faisait pas. Vomi, infections urinaires, caca mou. Et puant. Y’a pu une sorte de pou-posh en canette que je n’associe pas olfactivement à la marde de chat. Pas une. Lui à la pêche, c’est le pire. Ça lui prenait des croquettes que t’achètes chez le vétérinaire. À 30$ du sac. Et pendant deux ans, a fallu y faire du manger mou avec lesdites croquettes. Y’avait un peu perdu ses dents.
J’ai fait du manger mou pour un chat.
Parfois, y pouvait juste se mettre la tête dans sa litière. Pis croire qu’il y était au complet. Degré zéro de la capacité à être compétent dans son être-chat.
Il hurlait. Pendant des heures. Sans raison.
Y voulait juste boire de l’eau fraîche. Du robinet de la salle de bain. Il n’aimait pas voir le fond de son bol de croquettes. Fallait qu’il dorme en-dessous des couvertures. Entre nous. La tête sur l’oreiller. Y faisait pas ses nuits. Me suis levée pour un esti de chat. Pendant douze ans. Au moins deux fois par nuit.
« Toujours plus proche » était son mantra. Il était comme vraiment intéressé à tout ce qu’on faisait, même s’il comprenait évidemment fuckall, et surtout si ça impliquait des vis, des clous, des petites pièces à éparpiller. Il avait tout le temps frette, aussi. Il aimait être sous notre chandail. Sur les calorifères. Dans le soleil. Dans notre face.
Il était dépendant affectif. On n’osait pas partir trop longtemps. Pour le chat. On anticipait ses réactions. Une fois, on est allé une semaine au Manoir Richelieu. Il avait de la visite trois fois par jour. TROIS. Ça n’a pas suffit. Ce n’était pas nous. Il a eu un choc post-traumatique. Comprendre : il a hurlé devant la porte d’entrée de l’appartement pendant deux semaines. Il nous cherchait pis on était là. J’ai eu le goût de lui donner des calmants.
Après tout ça, t’as le goût de me dire. Voyons don’ que vous l’avez gardé pourquoi l’avez vous gardé vous êtes pas un peu caves d’avoir enduré ça tu te laisses pas mener par un esti de chat. Je peux juste te répondre qu’on est effectivement caves.
Y’était tout le temps vraiment content de nous voir. J’pense que personne n’a jamais été aussi content que j’existe que lui. Y se lovait. C’tait une bouillotte. Le p’tit pouvait toute y faire. Y’était masochiste, le chatdemarde, ça dû aider à la santé de leur relation. Mais bon, détail. Y’aimait, t’sais. Pis il y avait de quoi dans sa vulnérabilité. Y se frottait sué chiens. Y serait mort après deux secondes si on l’avait laissé aller dehors. Mangé par un écureuil. J’pense qu’on savait que n’importe qui d’autre que nous le ferait euthanasier. Fa’que. On a eu aucun égard pour notre qualité de vie pendant douze ans.
Il est mort l’an dernier, un mois pile après qu’on se soit séparé. Dans mes bras, chez le vétérinaire. Il avait 17 ans. J’ai tellement braillé. Avec des spasmes de triste dans le corps pis toute. Je ne m’explique pas tant l’intensité de la réaction. C’tait mon chatdemarde. Pis y’était plus de marde que le tien.
Photo : lechatdemarde au soleil