Hier, on était à Barraute. L’expression «fin fond de l’Abitibi» sied assez bien à ce petit hameau de 2 045 habitants situé à une heure de route de Val d’Or.
Si on allait là, c’était pour filmer un dildo-bingo, une démonstration érotique qui joint l’utile à l’agréable. L’organisatrice, Sylvie Rancourt, est une femme au vécu fascinant. Jeune, elle était danseuse nue. «J’étais ce qu’on appelle une fille perdue, mais j’étais aussi une artiste», explique-t-elle. Son côté artistique l’a emmenée à créer les bédés érotiques Melody, vendues à 120 000 exemplaires aux États-Unis. Durant une vingtaine d’années, elle a mis la bédé de côté pour élever ses cinq enfants. Mais à cinquante ans, elle renoue avec son passé érotique et trimbale ses dildos et autres sextoys de maisons en maisons.
C’est comme ça que je l’avais rencontrée, il y a quelques mois, à Montréal. Une amie m’avait invitée à l’une de ces soirées inusitées, et j’avais été marquée par le personnage. Avec son rire et sa facilité désarçonnante à parler de pompes à pénis et de vibrateurs en forme de castor, elle met tout le monde à l’aise le temps de crier «O 69».
Après cette soirée, j’étais loin d’imaginer me retrouver un jour avec Max dans son accueillante maison de Barraute.
La vie, des fois, c’est comme ça. Plein de surprises.
Le premier casse-croûte de la tournée où on s’est arrêtés, par un pur hasard, avait paru dans la revue Urbania. Quand nous étions à l’île verte, la petite fille de Gilles Carle a demandé à Max de saluer Jacques Fraser, le traversier de l’île, et Cécile Gladel, l’écolo écono, nous a fait passer le bonjour à ses voisins, Hugo et Laure. À l’usine de poissons fumés des frères Atkins, à Mont-Louis, on a réalisé que Max travaillait avec le neveu de monsieur Atkins, un des gars de Parceque films. À Murdochville, on a passé la soirée avec la barmaid Évelyne, une fille avec qui j’ai un ami en commun sur Facebook, le rédacteur en chef de p45. Quand on est allés manger de la gibelotte à Sorel, monsieur Beauchemin nous a dit qu’il passait ses vacances à Mont Saint-Pierre. Bien sûr, il connaissait le maire avec qui on avait passé la journée là-bas. À Val David, on a entendu le père Noël conseiller à du monde d’aller chez le Capitaine Homard à Sainte-Flavie, et on pouvait confirmer que c’était bon.
C’est comme si tout le monde se connaissait au Québec. Même au fin fond de la Bitt à Tibi ça connaît du monde de Sainte-Flavie, c’est sûr.
On ne saura jamais précisément comme avec Facebook qui connaît qui dans tous ceux que nous avons rencontré. Chaque fois qu’on quittait un lieu, on ne savait pas si on allait revenir un jour. Parfois, on aurait voulu rester encore longtemps. Comme la fois où Denise Guénette, la madame du théâtre de la Pente douce, nous a invité à prendre une bière après son spectacle. On serait resté, on aurait même dormi dans son théâtre tellement c’était sympa. Mais on devait partir.
«C’est plate, parce qu’on les reverra sûrement jamais ces gens-là», a dit Max avec justesse.
On s’est mis à imaginer un souper retrouvailles avec tout le monde. Un genre de Parler pour parler avec tous les personnages de la tournée.
Le propriétaire du musée du squelette analyserait pour nous ce que le poulet avait mangé avant de se retrouver dans notre assiette. Le maire de Mont Saint-Pierre, parlerait de deltaplane avec le monsieur de la gibelotte. Le patron de l’usine de mascottes essaierait de vendre une mascotte au capitaine homard. Denise Guénette ne pourrait pas s’empêcher de donner un spectacle. C’est sûr que le monsieur qui gosse des bateaux jaserait avec Jacques Fraser et lui demanderait comment il a conçu son traversier. Le gars des courses de poissons rouges aurait peut-être quelque chose en commun avec celui des courses de chevaux. Le père Noël, lui, s’adonnerait bien avec tout le monde.
Pour mettre tout le monde à l’aise, on organiserait sûrement un dildo-bingo.